LE DOUBS DE LA SOURCE A LA SAÔNE
Collaborateurs : Texte de Jean-Louis Clade, photos de Georges Caille et d’Eric Leuba
Éditeur : Edition D'En-Haut (Suisse)
Prix : ÉPUISÉ
Nombre de pages : 127 pages
Année : 1994
Le mot de l'auteur : Ce beau livre nous fait découvrir le parcours pittoresque d’une rivière de moyenne montagne… l’histoire des habitants de ses rives, celle des villages comme celle des villes. La plupart des photos sont des vues aériennes (Eric Leuba), complétées par des vues au sol (Georges Caille).
Préface
Le Doubs, pour moi, c'est d'abord une odeur inoubliable et tenace, odeur d'eau vivante, de vase, de bois moisi. J'ai respiré cette odeur les deux ou trois étés que j'ai vécus, comme les gamins de mon âge, en un véritable compagnonnage avec cette rivière. Nous y passions les journées.
Ses rives étaient le théâtre de nos jeux, nous seuls connaissions, dans les branches d'un saule, telle cachette vertigineuse suspendue comme un nid au-dessus du courant.
Parfois, un aîné nous emmenait dans sa barque. Et nous tremblions un peu en nous avançant sur l'étendue lisse et luisante, du côté de La Lomène, et en regardant la longue perche s'enfoncer dans des profondeurs que nous imaginions infinies. Les adultes, fascinés eux aussi par la rivière, en ramenaient un riche butin de poissons, des truites et surtout des « blancs », mais ils n'avaient que dédain pour les chabots brunâtres à grosse tête.
Les baigneurs ne se risquaient qu'avec prudence dans les eaux du Doubs, par crainte de ses tourbillons perfides. J'avais vu, un dimanche, notre voisin rentrer, la chemise et le pantalon trempés collés à la peau : il venait de sauver un nageur prêt de se noyer, en amont du pont de Ravine. Et, plus d'un soir, on annonçait qu'un malheureux avait encore perdu la vie ...
Dans les mois d'été, la rivière se réduisait à n'être plus qu'une mince couche liquide qui laissait à nu son lit et dégageait des pestilences d'égout. Le printemps la gonflait au point qu'elle allait se fourrer dans les maisons du quartier bas, obligeant les habitants à circuler en barque. Les troncs d'arbres charriés par les eaux allaient cogner à coups sonores contre les piliers du pont.
Le Doubs gela, lors d'un dur hiver, mais sur ses bords seulement. Avec une espèce de fierté nous mesurions l'épaisseur de la glace, un bon pouce d'une matière verte et presque noire comme du verre, où des bestioles inconnues étaient restées prisonnières.
Des années plus tard, j'ai appris que ce Doubs de mon enfance, après avoir creusé chez nous ses canyons, s'en va très loin dans un pays de soleil pour se perdre finalement dans une mer appelée Méditerranée !
Jean-Paul Pellaton