JULES GRÉVY, UN JURASSIEN PRÉSIDENT
Collaborateurs : ouvrage collectif
Éditeur : DMODMO éditions
Prix : 30 €
Nombre de pages : 271 pages
Année : 2007
Dans le chapitre 4, p. 53-75, Jean-Louis Clade évoque la naissance de l’école de la République en Franche-Comté
Extrait
L’instruction et l’éducation de la jeunesse sont des questions plus que jamais d’actualités. A la fois, l’organisation de l’école et ses contenus sont contestés alors que tous – Etat et parents – s’accordent à reconnaître son importance. Plus que jamais le savoir, les connaissances, sont nécessaires pour permettre à l’individu de s’insérer dans le monde du travail et d’évoluer au sein de la société. Plus que jamais la morale et l’instruction civique sont à inculquer four former des citoyens non seulement conscients de leurs droits, mais aussi de leurs devoirs, en dehors de toute appartenance religieuse. Pour que l’école soit en mesure de répondre à ces objectifs pour tous, il faut qu’elle soit obligatoire, gratuite et laïque. Des principes qui n’ont guère que 130 ans d’âge !
Au siècle des Lumières
Les notions de gratuité, d’obligation et de laïcité de l’école ne relèvent pas de la seule initiative de Jules FERRY, comme on a coutume de le dire. Elles s’inscrivent dans une réflexion qui mûrit au cours des années. C’est au XVIIIe siècle, au siècle des Lumières, que s’affirme l’importance de l’école en général. Il ne faudrait pas croire cependant que cette prise de conscience soit le fait de l’Etat ou de ses représentants, les intendants, ou encore des philosophes. Pour eux, le peuple n’a pas besoin d’être instruit. Comme l’écrit VOLTAIRE : « Il est essentiel qu’il y ait des gueux ignorants ». Certes, ROUSSEAU publie un traité d’éducation, mais « l’Emile » n’a rien d’un enfant du peuple.
Le peuple a ses mains pour travailler, et cela suffit. Qu’il cultive la terre qui nourrit la France et qu’il paie l’impôt ! D’ailleurs, que devient un paysan instruit ? Un moine, qui ne sert à rien. Un propos qui a de quoi surprendre, mais à l’époque de VOLTAIRE, de DIDEROT, de l’Encyclopédie, la religion connaît ses premiers grands contestataires.
L’instruction ne concerne guère que la bourgeoisie et l’aristocratie qui ont recours à un précepteur, aux jésuites ou aux frères de la doctrine chrétienne… Or, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, le peuple, tant des villes que des campagnes, revendique la possibilité d’instruire ses enfants. Les Magistrats (sortes de conseil municipal) des villes et bourgs et les communautés villageoises choisissent donc des maîtres d’école, avec l’assentiment du curé, en présence d’un notaire qui établit un contrat de trois, six ou neuf ans, lequel précise le montant de la rémunération annuelle globale. L’enseignement est alors individuel et optionnel. Ainsi, au choix, un écolier peut apprendre à lire pour 3 sols ; à écrire pour 5 sols ; à lire, à écrire et l’arithmétique pour 10 sols. Ceux qui veulent apprendre en plus le latin paient 15 sols.
Ces rémunérations sont versées chaque mois et par élève, c’est l’écolage qui s’ajoute au revenu annuel versé par la communauté.
En fait, l’enseignant est d’abord auxiliaire du curé, c’est-à-dire son sacristain. Il nettoie l’église, sonne les cloches et chante au lutrin. Il conduit les enfants aux offices religieux. Il participe à l’apprentissage du catéchisme et c’est pourquoi d’ailleurs il faut que les enfants sachent lire.
L’enseignement est donc assujetti à l’Eglise et il n’est pas gratuit. Or, à cette époque, des communautés d’habitants à forts revenus prennent à leur charge, tout ou partie, les droits d’écolage. Autrement dit, des bourgs, voire des villages, assurent la gratuité bien avant les réformes de la fin du XIXe siècle.